Janvier 1963. La France et l’Allemagne signent le traité de l’Elysée pour renforcer les liens politiques et culturels entre les deux pays. L’Allemagne ? Pas toute, celle de l’Ouest. Nous sommes en pleine guerre froide, et depuis 1961, un mur sépare l’Allemagne en deux : la RFA et la RDA. A l’Est, les citoyens n’ont d’autres choix que d’apprendre le russe en première langue. Mais le français n’est pas banni pour autant. De nombreux étudiants sont inscrits à l’institut de Romanistik – langues romanes – à la Humboldt Universität. C’est le cas de Vincent von Wroblewsky.

Il entame ses études en 1959 dans cette grande faculté est-allemande située sur la Unter den Linden, l’avenue principale de Berlin-Est. Tandis que de l’autre côté du mur, des Allemands de l’Ouest partent faire des échanges culturels en France, lui est contraint de rester en RDA. Et pourtant, la France lui manque. Ce philosophe est né à Clermont-Ferrand en 1939. Ses parents juifs et communistes avaient fui l’Allemagne nazie pour se réfugier en France. Son prénom le protège : à la fois allemand et français, et surtout catholique. Le père de Vincent, résistant, meurt pendant la guerre. En 1950, sa mère décide de revenir à Berlin et de s’installer dans la nouvelle République démocratique allemande dont elle attendait tant. Mais les frontières sont vite closes. Bilingue, Vincent devient interprète lors des rencontres entre jeunes pionniers communistes allemands et français.

Artikelbild-vincentPuis il saisit sa chance dans les années 80. La guerre froide se radoucit, les socialistes sont au pouvoir en France, alors les autorités est-allemandes se tournent vers Paris. Des accords sont signés pour une coopération scientifique et culturelle : un centre est-allemand s’ouvre à Paris, au boulevard Saint-Germain ; tandis qu’à Berlin-Est, le centre culturel français s’installe sur la Unter den Linden. Il faut un interprète pour l’inauguration officielle en 1984 : Vincent von Wroblewsky est engagé. Il collabore régulièrement pour le centre, rencontre des personnalités françaises comme Henri Cartier-Bresson. Le photographe lui offre des photos de Jean-Paul Sartre, l’idole de Vincent. Elles tapissent encore les murs de sa maison.

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombe… et avec lui, le centre culturel français de Berlin-Est. Paris annonce sa fermeture en 1995 pour ne conserver que l’Institut de Berlin-Ouest sur le Kurfürstendamm – une décision que regrette Vincent von Wroblewsky. Il travaille néanmoins avec l’institut basé à l’Ouest comme la plupart des professeurs de français de l’ancien centre à l’Est. Le philosophe devient le traducteur attitré de Sartre en Allemagne. Ses essais peuvent être enfin publiés. Aujourd’hui, Vincent von Wroblewsky vit entre Berlin et Paris. Sous la RDA, il n’a pu se rendre que quatre semaines en France alors il rattrape le temps perdu.

Nous avons rencontré Vincent von Wroblewsky à Berlin. Sur la Unter den Linden – évidemment. Il nous a montré les lieux qui ont marqué son histoire. Une histoire semblable à celle de milliers de citoyens est-allemands qui regardaient vers la France.

En cliquant sur les photos ci-dessous, vous pourrez en savoir plus sur cette histoire et sur ce qui fut le coeur de la relation franco-est-allemande : le centre culturel français de Berlin-Est. Une relation de façade entre la France et la RDA, une « non relation ».