Globalement, ces vingt dernières années la situation des jeunes sur le marché du travail s’est dégradée. C’est du moins ce qu’atteste une étude du Cereq parue début avril et qui s’intéresse aux conditions d’insertion des jeunes de moins de 26 ans entre 1992 et 2010. Bonjournalist a rencontré différentes personnes en lien avec des jeunes à la recherche d’un emploi pour en savoir plus.

Mail du Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle (BAIP) à destination des étudiants pour communiquer sur le dispositif « Coup de Pouce ».

Tous les ans, les jeunes diplômés de l’université Sorbonne-Nouvelle Paris 3 reçoivent ce mail de la part du Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle (BAIP) pour les informer du dispositif « Coup de Pouce ». Celui-ci permet de les accompagner dans leur recherche d’emploi et de les former à l’écriture d’un CV, d’une lettre de motivation et de s’entraîner aux entretiens d’embauche.

« Depuis trois ans, lorsque l’on envoie ce mail, on s’étonne de la rapidité et du nombre de réponses que l’on reçoit. Ce n’était pas autant le cas avant. », racontent Catherine Bernardi et Catherine Jourjon, respectivement psychologue du travail et conseillère carrière pour le BAIP au sein de l’université Paris 3. La faculté est spécialisée dans les Lettres et les Sciences humaines, un domaine pour lequel les débouchés ne sont pas forcément évidents.

Catherine Jourjon et Catherine Bernardi dans l’espace de documentation du BAIP. Crédit : Anna Péan & Andrea Thieme

Manon, 26 ans, a obtenu son deuxième master en sociologie des médias en 2017 à l’université Paris 3 et cherche depuis un emploi en tant que rédactrice. Elle a bénéficié de l’aide du BAIP. « C’est eux qui m’ont contactée », raconte-t-elle. Elle a ainsi suivi une formation à la recherche d’emploi pendant trois jours en octobre. Celle-ci « m’a permis de reprendre un rythme et de relativiser ma situation en échangeant avec d’autres jeunes sur leur recherche d’emploi ».

« En ce moment, je remarque que beaucoup d’étudiants sont perdus. J’ai rencontré récemment une jeune diplômée en médiation culturelle et elle expliquait qu’elle ne savait pas ce qu’elle pouvait rechercher comme métier avec sa formation », poursuit Catherine Bernardi, psychologue du travail à l’université Paris 3, dans son petit bureau situé à côté d’un espace de documentation lié à l’emploi.

Mais « l’université doit aussi travailler à se professionnaliser », ajoute de son côté Catherine Jourjon. « Il est nécessaire de faciliter l’accès à des conventions de stages et d’ouvrir plus de formations à l’alternance. On sent qu’il y a une coupure entre les universités et le reste du monde ». Manon a pu l’observer dans ses études : « la faculté ne prépare pas à la construction d’un projet professionnel dès que celui-ci s’éloigne du domaine de la recherche universitaire».

Qualification et chômage

Les jeunes diplômés de Paris ne sont pas les plus à plaindre en terme d’emploi. Dans la capitale, le taux de chômage est plus bas que la moyenne nationale. « Cependant, les générations avec le plus fort taux de chômage sont les jeunes de moins de 26 ans et les seniors de plus de 50 ans », explique Afaf Gabelotaud, adjointe à la mairie de Paris en charge des politiques de l’emploi.

« Quelques quartiers politiques de la ville connaissent notamment un fort taux de chômage en plus de concentrer d’autres problématiques ». Ces quartiers prioritaires de la politique de la ville sont suivis et participent à une politique de cohésion urbaine et de solidarité envers les quartiers les plus défavorisés.

Dans ces quartiers, il existe des personnes qui ont décroché du système scolaire et ont des difficultés à re-trouver le chemin de l’emploi. « A Paris, ces personnes sont stigmatisées dans le sens inverse. Il s’agit d’une ville riche et ces personnes ne sont pas reconnues au niveau national parce qu’elles vivent dans un endroit où le taux de chômage est relativement bas par rapport à la moyenne nationale », ajoute Afaf Gabelotaud, chargée des politiques de l’emploi à la Mairie de Paris.

Plusieurs programmes permettent d’accompagner ces publics vers l’emploi : les missions locales et, pour les plus éloignés de l’emploi, l’école de la deuxième chance. « Ce dispositif a pour but d’insérer les jeunes de 18 à 25 ans vers les métiers où il y a une réelle demande », développe l’adjointe à la mairie de Paris.


« Pour faciliter l’accès à l’emploi, les jeunes devraient être sensibilisés bien avant l’université. Dès le collège ou le lycée, il faudrait un éveil aux différents métiers, puis aux différentes filières pour y accéder », explique Catherine Bernardi, psychologue du travail de l’université de Paris 3.

Plus on s’y prend tôt, mieux c’est ?

Mariam Khattab de Mozaïk RHcabinet de recrutement et de conseil en ressources humaines spécialisés dans la diversité, partage ce constat : « En effet, les inégalités commencent dès le collège et le lycée. Une autre association travaille à ces niveaux : ZUP de Co. Ils œuvrent à la réussite scolaire avec un système de parrainage ».

La prise de connaissance de l’orientation prend place dès le collège. Elle se poursuit au lycée puis à l’université à l’aide des psychologues de l’Education nationale. Ils travaillent soit dans les établissements scolaires, soit dans les Centres d’Information et d’Orientation (CIO).

Les Centres d’Information et Orientation sont menacés de fermeture par le ministère de l’Education nationale. Crédit : Anna Péan & Andrea Thieme

L’accès aux centres est plus ou moins évident. « Comme pour tout, ce sont les jeunes les mieux armés qui accèdent plus aisément aux ressources du CIO », commente Béatrice Langlois, psychologue de l’Education nationale au CIO Mediacom Paris.

Les CIO facilitent l’accès à toutes les informations sur l’orientation dans un lieu hors du cadre scolaire. Ces centres vont fermés, le ministère de l’Education nationale l’a annoncé. Leurs directions seront reléguées à l’échelle régionale. Il reste à espérer que ces fermetures s’accompagneront au moins d’un débat sur un nouveau moyen d’accéder à la diversité des métiers dans le secondaire ?

Crédit photo à la Une : CC-BY-SA-Tim Simpson